L'album n°5 de Broussaille s'intitule "Un faune sur l'épaule".
Ce satellite propose de partir à la recherche de cette créature issue de la mythologie, afin de préparer la lecture de ce prochain tome.
En fait, ceux qui connaissent bien l'œuvre de Frank, ou qui ont parcouru ce site, connaissent déjà le faune qu'il a imaginé. L'histoire "Rêve de terre", que l'on peut découvrir dans le hors série de "A suivre" intitulé Silence, on rêve !, met en scène cette créature qui fait un peu penser à un Broussaille d'une dimension parallèle :
Dans le secret de Böcklin (voir satellite 2), on peut aussi en apercevoir un, qui est un peu adapté pour correspondre au style du peintre suisse :
De même, dans le calendrier 1993 du Café du soleil, on peut trouver la splendide illustration ci-contre...
Les faunes, créés à l'image du dieu Pan étaient des petits dieux bienveillants et protecteurs des troupeaux, bois, champs et bergers. Charmants mais capricieux, ils venaient tourmenter les hommes dans leur sommeil.
On les représentait velus, cornus, avec des pieds de chèvres et des oreilles mobiles. Ils personnifiaient la fécondité de la nature. Au départ, il n'y en avait que deux, le mâle Faunus (mot qui signifie favorable, bienfaisant) et la femelle Fauna (parfois appelée Bona Dea).
Le faune est un peu la version romaine des satyres grecs, mais il a des pouvoirs, découlant de sa précédente nature de dieu, que n'ont pas les satyres : il est immortel, son influence est bénéfique mais son regard donne la mort. Faunus et Fauna furent très longtemps adorés comme divinités (jusque dans l'ère romane), et en tous cas jamais complètement assimilés aux satyres.
Ci-contre, "Le faune et la Flore"...
Les satyres ont l'apparence d'un buste d'homme poilu et barbu porté par des pattes de bouc, et habitent les forêts. Ces créatures pourchassent sans cesse de tout ce qui est féminin : femme, nymphe, chèvre, et même déesse (ce qui leur vaut d'ailleurs les pires ennuis). Les satyres s'occupent rarement de savoir si leur partenaire est consentante.
Le dieu champêtre Pan, quand il fut assimilé par les romains, fut identifié à Faunus, ce qui fit rapidement que les faunes devinrent une seule et même divinité. Ce dernier, à son tour, s'assimila aux satyres, et donc s'éparpilla en une multitude de faunes. Pan, dont on connaissait toujours le nom, devint lui-même une foule de petites créatures campagnardes : les pans.
Dieu des Bergers, des Pâturages et des Bois, né en Arcadie, Pan («berger» ou, littéralement, « nourricier» en grec archaïque) est le fils d'Hermès. Il était si laid en naissant, avec ses cornes et ses pieds de bouc (l'image médiévale du diable a d'ailleurs pour origine cette représentation), que sa mère l'abandonna et les nymphes l'élevèrent à sa place. Hermès le transporta sur l'Olympe.
Il mit en fuite par sa voix redoutable les Titans en guerre contre les dieux. Il apparaissait souvent comme une divinité effrayante, et est à l'origine du terme "panique". On lui consacra une grotte, la grotte dite de Pan, que l'on visite encore, au nord de l'Acropole.
Pan était musicien. Selon les versions, lui ou le satyre Marsyas mirent Apollon au défi musical, et ce dernier n'eut la victoire que de justesse.
Alors qu'il poursuivait la nymphe Syrinx (compagne de Diane) sur les bords du fleuve Ladon, celle-ci se changea en roseau pour lui échapper. Pan coupa quelques roseaux et en attacha sept morceaux de différentes longueurs pour en faire la flûte de Pan, au son de laquelle les nymphes et les satyres ont depuis coutume de danser.
Dans le dictionnaire des symboles (Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Robert Laffont), on peut lire :
(...) Son nom, Pan , qui signifie tout, lui fut donné par les dieux, non seulement parce que tous lui ressemblent dans une certaine mesure par leur avidité; mais aussi parce qu'il incarne une tendance propre à tout l'univers. Il serait le dieu du TOUT, indiquant sans doute l'énergie génésique de ce tout, ou le Tout de dieu, ou le Tout de la vie. Il a donné son nom au mot panique, cette terreur qui se répand dans toute la nature et dans tout l'être, au sentiment de la présence de ce dieu qui trouble l'esprit et affole les sens. Dépouillé de cette sensualité primaire irrépressible, il personnifiera plus tard le grand tout, le tout d'un certain être. Des philosophes néoplatoniciens et chrétiens feront de lui la synthèse du paganisme.
Plutarque rapporte une légende : des voix mystérieuses entendues par un navigateur, annonçaient en pleine mer la mort du Grand Pan. C'étaient sans doute la mort des dieux païens, résumés dans sa personne, que les plaintes de la mer faisaient présager, à l'avènement de l'ère nouvelle, et qui glaçaient d'épouvante tout le monde gréco-romain. L'expression "Pan, le Grand Pan est mort", est passée dans la langue pour signifier la fin d'une société. Les ombres des héros se lamentent et les enfers frémissent. Pan est mort; la société tombe en dissolution. La mort de pan symbolise la fin des institutions. Curieuse évolution d'un symbole qui passe du débridement sexuel à un ordre social, dont la disparition entrevue plonge dans le désespoir, parce qu'il a perdu son énergie vitale.
Les pans, bien que normalement des faunes, sont bien moins inquiétants que ceux-ci. En fait, origine grecque oblige, ils sont une version adoucie des faunes et des satyres. Ainsi, ils aiment jouer de la flûte, possèdent des jambes de bouc, mais n'ont que peu les pulsions sexuelles des satyres. Par contre, ils sont considérés comme plus mystérieux que les faunes.
Sur ce site, on trouve le fameux poème de Stéphane Mallarmé , "L'après-midi d'un faune".
Rodin, que Frank cite volontiers comme étant l'un de ses maîtres, a sculpté plusieurs statues représentant des faunes :
- Le Faune à l'arc (bronze, 34x17x17cm), 1898.
- Faunesse ou bacchante.
- Faunesse debout (1884).
- Faunesse Zoubaloff (1885).
- Les trois Faunesses (plâtre, 16x28x18cm), 1882
- Faunesse et Satyre (1888).
- Faune et nymphe, 1886
En conclusion, les légendes et histoires relatives aux faunes et aux divinités assimilées, Pan entre autres, donnent parfois des versions contradictoires, mais on retrouve cependant des ingrédients qui cadrent parfaitement avec l'univers de Broussaille. La rencontre entre notre héros et une divinité mineure de la nature aboutira forcément à une compréhension et à un échange...
Les illustrations proviennent des œuvres de Frank ou des sites suivants :
- http://perso.magic.fr/dpfeiffer/mythologie.htm
- Le monde de Clio : http://www.chez.com/clio/
- http://yves.richard.free.fr/lille/bozarts/le_faune_et_la_flore.htm
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Papier de Broussaille Lié